06 janvier, 2006

The Voice

Je me souviens qu'autrefois mon père écoutait Nana Mouskouri dont il reprenait volontiers les refrains, les samedi matin de farniente, en chantant à tue-tête. En ce qui me concerne, je ne l'écoutais pas… je la regardais. Autant que possible. Remercierais-je jamais assez l'ORTF de Gilbert et Maritie Carpentier de m'en avoir donné si souvent l'occasion ?
Bref ! Entre Nana et Sheila, je ne savais plus où donner de la tête. Entre les lunettes de l'une et les couettes de l'autre, j'aurais été bien en peine de dire laquelle des deux m'excitait le plus. De Nana, j'aimais son teint de lait caillé encadré de longs cheveux noirs, ses robes infinies que je rêvais secrètement de soulever, sans oublier cette espèce de raideur - féminine - qui la caractérisait et avait pour don de provoquer la mienne…


En dévorant Nana de tous mes yeux, l'expression - dont le sens m'échappait alors - qui suggère quelque chose chez les Grecs prenait un sens parfaitement clair dans mon esprit déjà concupiscent, de sorte que je serais bien allé la retrouver sur le champ pour pratiquer nombre d'échanges que la décence m'interdit de préciser davantage. Tout cela, je le sais, n'a que peu de rapport avec la musique. Ne m'en voulez pas. Que dire d'une chanteuse qui, pour avoir fait, dans les années 70, le bonheur de la ménagère de 50 ans, n'en demeure pas moins le parfait exemple d'une forme accomplie de la ringardise. Du moins, c'est ce que j'ai longtemps cru comme le croient encore la plupart d'entre vous. Mais pas Leonard Cohen.


Léo Ferré évoquait-il Joanna Mouschouri, dite Nana Mouskouri en chantant La “The Nana” ? Souvenez-vous : « La “The Nana” / C’est dans la voix et dans le geste / La “The Nana” / C’est “The Nana” avec un zeste… ». Comment ne pas le croire - bien que ce soit évidemment impossible - en découvrant la réédition, l’une des plus inattendues de ces dernières années, d’un album de 1962, The Girl From Greece Sings In New York où, sous la direction de celui qui n’était pas encore une légende, Quincy Jones, Nana Mouskouri prêta sa voix de lune et de silice - plus lumineuse que jamais - à une quinzaine de standards de jazz et non des moindres. Love Me or Leave Me, The Touch of Your Lips, But not For Me de George et Ira Gershwin, I Get a Kick out of You de Cole Porter caressent merveilleusement les cordes vocales de cette indémodable Princesse du Pirée. En attendant, on en profitera pour regretter - ça ne mange pas de pain - que Nana Mouskouri n’ait pas poursuivi dans la voie qui s’ouvrait ainsi sous ses pas. Nul doute qu’elle aurait trouvé sa place, l’une des premières, parmi les très grandes chanteuses de jazz blanches… Dommage !

Meilleurs vœux à vous tous


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