Je sais, comme n'importe quel amateur de jazz, que Wynton Kelly était un remarquable sideman, qu'il a accompagné les plus grands, de John Coltrane à Dinah Washington, en passant, entre autres, par Dizzy Gillespie et Cannonball Adderley… On se souvient, dans le meilleur des cas, qu'enfant il a tenu l'orgue dans une église de quartier, qu'il a fait partie, plus tard, du quartet de Miles Davis, lequel attendait de ce merveilleux pianiste qu'il joue comme… Ahmad Jamal. Peut-on demander à la lune de se muer en soleil ? Et oui ! Être un immense musicien, un trompettiste génial, avoir opéré x révolutions dans le jazz ne met à l'abri de rien et surtout pas de la bêtise et de la muflerie.
Voici peu de temps en revanche, j'ai appris que Wynton Kelly, né en 1931 et disparu dans la fleur de l'âge à 41 ans, avait mis sur pied un fabuleux trio - Paul Chambers à la contrebasse et Jimmy Cobb à la batterie - qui ne cesse, encore aujourd'hui de donner des frissons à ceux qui l'écoutent, et qu'il a publié sous son nom une abondante discographie, discographie dont on peut toujours - à condition d'avoir du temps à perdre - chercher trace dans les bacs. Kelly Blue mis à part, vous serez plus chanceux sur le net.
Full View, l'un de ses disques, a donc été enregistré au Plazza Sound Studio à New York City, les 2, 27 et 30 septembre 1966 avec Ron McClure à la basse et Jimmy Cobb à la batterie. J'avais huit ans tout juste, des parents, des copains d'école. Encore peu de temps auparavant, il m'était arrivé, le soir avant de me coucher, de disposer l'une ou l'autre de mes dents de lait sous l'oreiller. C'est dire les espoirs qui étaient les miens. Bien sûr, je ne savais pas que le Plazza Sound Studio existait. Peut-être ne savais-je même pas que New York existait, que les noirs existaient, non plus que la condition qui leur était faite. Je ne savais pas qu'on pouvait aller le soir perdre la tête dans des night-clubs enfumés dont les princes étaient des esclaves, ni ce qu'était l'ivresse. Et pas davantage que la beauté existait dans de telles quantités qu'elle me serait largement dispensée.
Jimmy Cobb, Wynton Kelly et Paul Chambers
Mon père, lui, est né en novembre 1932, soit onze mois après Wynton Kelly. Pourquoi n'était-il pas Wynton Kelly ? Ou jazzman ? Ou musicien de rock ? Je peux arriver à comprendre qu'il n'ait pas voulu être noir. Mais pourquoi n'était-il pas musicien, tout simplement ? Pourquoi en suis-je réduit aujourd'hui à tenter de faire de l'assistance respiratoire à un “blog” musical au lieu de composer et de jouer de la musique ? La musique n'est-elle pas la seule chose censée à accomplir sur la terre comme au ciel ? Aussitôt passée la porte du Plazza Sound Studio, demandez à Wynton, ce qu'il en pense !
Full View, l'un de ses disques, a donc été enregistré au Plazza Sound Studio à New York City, les 2, 27 et 30 septembre 1966 avec Ron McClure à la basse et Jimmy Cobb à la batterie. J'avais huit ans tout juste, des parents, des copains d'école. Encore peu de temps auparavant, il m'était arrivé, le soir avant de me coucher, de disposer l'une ou l'autre de mes dents de lait sous l'oreiller. C'est dire les espoirs qui étaient les miens. Bien sûr, je ne savais pas que le Plazza Sound Studio existait. Peut-être ne savais-je même pas que New York existait, que les noirs existaient, non plus que la condition qui leur était faite. Je ne savais pas qu'on pouvait aller le soir perdre la tête dans des night-clubs enfumés dont les princes étaient des esclaves, ni ce qu'était l'ivresse. Et pas davantage que la beauté existait dans de telles quantités qu'elle me serait largement dispensée.
Jimmy Cobb, Wynton Kelly et Paul Chambers
Mon père, lui, est né en novembre 1932, soit onze mois après Wynton Kelly. Pourquoi n'était-il pas Wynton Kelly ? Ou jazzman ? Ou musicien de rock ? Je peux arriver à comprendre qu'il n'ait pas voulu être noir. Mais pourquoi n'était-il pas musicien, tout simplement ? Pourquoi en suis-je réduit aujourd'hui à tenter de faire de l'assistance respiratoire à un “blog” musical au lieu de composer et de jouer de la musique ? La musique n'est-elle pas la seule chose censée à accomplir sur la terre comme au ciel ? Aussitôt passée la porte du Plazza Sound Studio, demandez à Wynton, ce qu'il en pense !
- I Wan't a Little Girl (Full View - Original Jazz Classics - 1996)
- What a Diff'rence a Day Made (Idem)