01 novembre, 2005

Too young, too late…

Je viens de refermer - après en avoir terminé la lecture, il va sans dire - le dernier livre d'Alain Gerber, Lady Day, Histoires d'amours, consacré à « la plus grande chanteuse de l'histoire de la musique afro-américaine du XXe siècle », Billie Holiday, pour ceux qui n'auraient pas compris. Je dois avouer que je suis entré dans ces 600 pages à reculons tant je me sentais empli du sentiment que l'auteur de Fiesta in Blue, écrivait trop, publiait trop et trop vite, qu'il s'était engagé dans un processus de rentabilisation de ses dizaines d'années de fréquentation du jazz, des milliers d'émissions de radio inscrites à son compteur de vol, de ses articles, notes de pochettes et ainsi de suite… J'avais tort. J'ai été mauvaise langue, me suis conduit comme le plus indigne des procureurs, genre Vorochilov, ai jugé hâtivement et me sens tenu aujourd'hui de faire contrition. Si Lady Day… n'est pas, à proprement parler, un grand livre, il n'en reste pas moins incroyablement documenté et fait preuve de cette sensibilité, de ces qualités d'empathie auxquelles Alain Gerber nous avait habitués et qui pour l'heure sont restées aussi vives qu'autrefois. C'est dit.

Billie Holiday s'en est allée rejoindre Lester Young dix jours avant mon tout premier anniversaire. Qui peut imaginer les jams qu'ils donnent à tous ces pauvres gens - chanceux dans ces conditions - qui ont déjà trouvé le chemin du ciel ? Quel public ! Et des fans ! En veux-tu ? En voilà ! Pensez donc… Même les anges, à qui on ne la fait pas pourtant, ont dû en rester babas. Limite jaloux ! Peut-être ont-ils même commencé à regarder d'un autre œil tous ceux qui ne manqueraient pas d'arriver dans les siècles à venir. Tu parles ! Des bonnes surprises comme le Lester et sa Lady, ça ne se produit pas tous les jours ! Faut être patient… ! Ils ont été déçus sans doute, sont encore amers, c'est sûr…

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Trop jeune

Quant à moi, avec un peu de bol, mon tour viendra. Comment pourrait-il en être autrement ? J'attends réparation. Quand elle est venue chanter à Paris, en 1958, je venais de naître et n'ai pas assisté au concert. De ce côté-là, mes parents n'étaient pas très futés, jamais au bon endroit, jamais là où ça se passe. Ma mère, je l'imagine tomber des nues en lisant ces lignes, se défendre qu'on vivait à Montpellier, qu'on n'était pas riche et tout et tout… Je la crois qu'à moitié. Mon père, il aurait habité à l'étage, au-dessus de la salle de concert, une place gratuite offerte par le concierge posée sur le buffet, il serait pas descendu. Ce n'est pas tout. S'il avait emmené ma mère à ce récital de Billie Holiday, elle n'en serait pas aujourd'hui à ne pas sortir le nez de la chanson française, Cabrel, Souchon, Delerm, tous ces types qui ne rêvent au fond que de faire du musette et qui, pour rien au monde, ne l'avoueraient. Et puis, tiens, le musette, c'est trop beau pour eux. Enfin bref, quand je vais au concert - de vraie musique entendons-nous bien - ni hard-rock, ni punk - et que je vois gamins, landaus, poussettes, kangourous, j'en suis vert, malade de jalousie rétrospective.

Phyllis Dillonbien sûr, n'est pas Billie Holiday. Personne n'est Billie Holiday que Billie Holiday. Mais nul ne lui en tiendra rigueur. Phyllis Dillon n'aura jamais été qu'elle même. Et, comme pour tous les gens soumis à cette condition - n'être que soit même - cela n'a probablement pas été drôle tous les jours. Spinoza disait, paraît-il, qu'il fallait persévérer dans son être. Faudrait qu'on ait le choix ! Un chat s'excuserait-il de n'être qu'un chat, essaierait-il d'être autre chose ? Peine perdue. Et nous humains, autre chose que des monstres ?

Example
Trop tard

On en prendra pour preuve la carrière de Phyllis Dillon, trois disques en tout et pour tout, des “compil” qu'on en perd son latin, puis disparition, et come-back tardif avant que la maladie ne la rattrape. C'est ingrat le succès, le public. Fait pas de cadeau. Préfère les morts, fleurir les tombes. La Toussaint des musiciens, c'est tous les jours. Et je ne vaux pas mieux, moi, avec mes vieilleries, à ne pas m'intéresser à la musique d'aujourd'hui, vivante.

Vous aimez les chrysanthèmes ? En voici trois. Pour Phyllis. Prenez, et dansez sur elle…

Blind Test du jour
    Blind Test du 24 septembre 2005
    Pick A Ball Of Cotton - Leadbelly - Midnight Special

    7 commentaires:

    Anonyme a dit…

    OOOOOOOOOOOOHHHHHHHHHH YEAAAAAAAAAHHH !!
    Le retour du Fernet.

    L'adcr ( qui va lire tout de suite le post et qui revient de suite. )

    Anonyme a dit…

    Je ne me souviens plus trop du titre du bouquin que j'ai laissé chez ma tendre ( A Montpellier justement ) mais qui revenait sur Strange Fruit popularisée par la Lady Day. ça m'a suffit, 100 pages de dopes et de chansons tristes ( et de connerie humaine ) c'est largement suffisant. Me replonger dans un bouquin de 600 pages sur les mêmes thèmes, autant me foutre une balle dans l'crâne !
    Et puis la Toussaint m'emmerde et je lutte férocement contre la déprime ambiante en écoutant autre chose que de la musique: du rock notamment.

    L'Anonyme de Château Rouge. ( qui retourne bosser. )

    sadoldpunk a dit…

    Euh, j'en suis pas sûr, mais le blind test, je crois que c'est du reggae... (quoi, il faut donner le nom de l'artiste aussi? oh là là...)

    Anonyme a dit…

    y a pas à dire, c'est bien du reggae.

    je ne resterais pas une minute de plus sur ce site.

    adcr. ( Jah Die & Kill All The Rastas )

    affreuxthom a dit…

    excellent

    et content de te retrouver enfin

    Fernet-Branca a dit…

    Ça fait plaisir de découvrir que l'Affreux et Aduna ne se sont pas lassés d'attendre… Merci à tous les 2 comme aux fidèles de la Cadillac…

    Anonyme a dit…

    Lorsque notre ami Sadoldpunk m a demande mon avis sur le Blind test je lui ai repondu qu il s agissait de Reggae. Je ne pensait pas qu il le mettrait comme reponse...La vie est injuste il m apique mon idee.
    Berlin Belleville (dans les deux sens)